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  • Pêle-mêle en nouvella.

     

    Sursis

     

     

     

    Attendre est le plus insupportable. Il faut se surveiller, refréner tout énervement, ne traduire à aucun moment son agacement, le corps ne doit pas trahir. Les techniques sont multiples, aucune n'est totalement fiable. La mienne est simple, je fixe sur l'aile meurtrie de mon château de cartes mental l'image de cette fontaine aux lourds parfums de fange et de boue près de laquelle j'aime m'assoupir les jours de promenade au parc, trois fois par semaine. Un de ces trop rares moments où les surveillants relâchent leur étreinte. Ils pensent que j'aime me lézarder au soleil, ombre, lumière, mais seules ces odeurs, nauséeuses pour d'autres, m'amènent en ce lieu. Je déteste le soleil, il n'est que prétexte à l'abandon, à l'écrasement de nos pensées les plus vives, et les mieux défendues, les moins grégaires. La populace n'est qu'un jeu de quilles, auxiliaire des vrais jouisseurs cachés mais comblés, l'argent donne ce ton.

     

     

     

    Regardez-les pavoiser, juger, moraliser, mais ne poussez pas la porte de leur puits à tentations, bien protégé, mais pas inviolable. Quand je pense que ces pourris sont venus me chercher. Ils ne feront rien pour m'aider, je ne les tiens pas, ils ne lèveront pas le petit doigt, même pour un marché de dupes, un marché. Qui perd perd. Pour l'instant. Je n'ai pas totalement perdu ma liberté, c'est déjà ça. Le risque est grand, s'ils me percent, la sentence sera lourde, mais ils n'y arriveront pas, sinon je ne serais pas là, c'est tellement abject pour eux, je suis malade à leurs yeux.

     

     

     

    Je ne peux balancer personne, ils n'ont même pas trouvé la caméra, pas mécontent de mon ingéniosité. Si j'en parle, ça ne servira à rien, je perds l'excuse de la folie et toutes traces ont été effacées, avec soin. Je dois continuer cette dissimulation. De toute façon, ce n'est pas difficile, je ne suis pas du genre froid, détaché, «professionnel», j'ai toujours pris un énorme plaisir pour ces commandes. Je suis retourné de la bouilloire, pour eux. Ils ne peuvent pas faire le lien avec les autres, impensable, trop éloignés, pas d'indices et nulle «prémonition», à ma connaissance.

     

    Versant le plus probant de mon professionnalisme, le nettoyage méticuleux, il paraît que ça fait partie de la démence ? Ca m'arrange. Même les commanditaires ne se connaissent pas, magie de l'ordinateur portable et des appartements vides pour les vacances, les déplacements, si la connexion est repérée; ce qui est peu probable; le temps de se volatiliser, soit l'endroit est vide, soit occupé bien plus tard par une charmante famille décontenancée par ce remue-ménage et ces questions gênantes (si cela se produisit ?). Passer par de multiples moteurs en un endroit inconnu, double sécurité, quant au données personnelles, bah, les agences de voyages en fourmillent, ce n'est ensuite qu'affaire de recoupements et de repérages.

     

     

     

    J'ai du mal à comprendre qu'on puisse prendre son pied rien qu'en regardant, jouissance de voyeurs déculpabilisés, ils sont lâches, innocemment, mes actes ne sont sûrement qu'un petit condiment de début de soirée pour eux, avant la partouze, standard érotique bien emmerdant. Je n'en ai fait qu'une, entré par effraction, ça n'a même pas défrayé la chronique, penser, j'en ai pourtant alimenté deux de ma dague assoiffée d'amour véritable, piégée par la douceur du sang. Trop de «beau monde» pour se répandre en colonnes, une pièce montée bien étouffée, ça devait être des luxueuses, des pros, leur vie comme leur mort se paie, argent facile, docile, argent fertile ? Souvent ça se paie, l'addition n'est pas loin, vouloir jouer avec le feu, cela sous-entend de s'attendre au retour, le ressac de lave. En attendant, je suis bloqué là, dans quelques minutes un nouvel entretien, je passerai facilement au travers de ces toiles, cousues et recousues de fil d'émeri.

     

     

     

    Plus facile de s'évader de ce genre d'endroit que de nos «prisons modèles», parce que neuves, elles le sont pour une bonne raison, l'impossibilité d'en sortir. Une fois dehors, je profiterai enfin de cette masse d'argent cumulée. Quel plus beau métier ? Soulever de jolies filles, faire l'amour, les marquer des pires outrages, torturer, humilier, puis les tuer, les entendre implorer, crier, pleurer, et surtout les sentir éprouver du plaisir dans leur terreur, même en sachant la fin proche. L'abandon du vaincu. Après tout, quitte à crever, autant trouver ce plaisir, même là où on ne s'y attend pas.

     

     

     

    Dérèglement suicidaire, ancré. L'instinct sait si bien écraser du talon la conscience, cette gorgone piquée prétentieuse et fragile, si mal défendue. Me sentir filmé et observé n'ajoute rien à mon plaisir, ça, c'est le business, je le ferai de toute façon, revivre mentalement mes extases suffit, ils me garderont, j'en sortirai. Avec tout ce blé, pour avoir fauché de bien jeunes pousses, je pourrai continuer à assouvir ma passion, pour moi seul, la nature m'a doté d'une si belle gueule, on ne craint pas les anges, on ne souhaite qu'être porté par eux, c'est leur volonté. J'exécute leurs voeux. Mon rasoir me manque, il déchire si bien les cris.